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Les Maîtres sonneurs

Huriel s’en ira tout à l’heure avertir sa sœur pour qu’elle vienne vous faire compagnie ; et vous autres, mes Berrichons, vous deviserez avec Joseph, car vous en avez long à lui dire, j’imagine ; mais vous ne vous écarterez point, sans lui, de mon han et du bruit de ma cognée, car vous ne connaissez point la forêt et pourriez vous y égarer.

Là-dessus, il se mit à débiter ses arbres, après avoir pendu sa musette à un de ceux qui étaient encore debout. Huriel mangea un morceau avec nous, et questionné sur sa sœur par Brulette : — Ma sœur Thérence, nous dit-il, est une bonne et gentille enfant d’environ votre âge. Je ne dirai pas, comme mon père, qu’elle peut soutenir la comparaison avec vous, mais, telle qu’elle est, elle se laisse regarder, et son humeur n’est pas des plus sottes. Elle a coutume de suivre mon père dans toutes ses stations, afin qu’il n’y manque de rien, car la vie d’un bûcheux, comme celle d’un muletier, est bien dure et bien triste quand il n’a pas de compagnie pour son cœur.

— Et où donc est-elle en ce moment-ci ? demanda Brulette : ne pourrions-nous l’aller trouver ?

— Elle est je ne sais pas où, répondit Huriel, et je m’étonne qu’elle ne nous ait point entendus venir, car elle n’a pas coutume de s’éloigner des loges. L’as-tu vue aujourd’hui, Joseph ?

— Oui, dit-il, mais pas depuis le matin. Elle était un peu abattue et se plaignait du mal de tête.

— Elle n’est pourtant pas sujette à se plaindre de quelque chose ! reprit Huriel. Or donc, excusez-moi, Brulette ; je m’en vas vous la chercher au plus vite.

Treizième veillée

Quand Huriel nous eut quittés, nous fîmes promenade et conversation avec Joseph ; mais, pensant qu’il était