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Préface

lecte particulier, emprunte à ses amis les paysans berrichons, transformé par son imagination et son génie de la langue.

C’était tout un renouvellement des métaphores. Il n’y a que deux méthodes relativement aux métaphores si l’on ne veut point avoir un style suranné ; c’est de n’en point faire ou d’en créer de nouvelles à chaque génération. Les métaphores de Victor Hugo lui ont été fournies par sa manière personnelle de voir les choses, par cette « vision violente » dont parle Taine à propos de lui. Les métaphores de George Sand lui ont été fournies par sa pratique de la langue populaire bien comprise, bien sentie, précieusement recueillie, épurée du reste et remaniée par une faculté délicate qui était propre à l’auteur.

Comme elle avait remanié la langue romantique pour s’en faire une à son usage, elle remaniait la langue rustique pour s’en faire une extrêmement piquante, fraîche et savoureuse, mais parfaitement conforme au génie de la langue générale. C’est surtout dans les merveilleux Maîtres Sonneurs, cette épopée rustique, cette Iliade berrichonne, que ce petit miracle se produit continuellement.

Un soir à Nohant, on lisait à tour de rôle le roman en cours de publication dans la Revue des Deux Mondes, Cadol (je crois) lisait d’abord : « C’est bien mal écrit, » disait-on autour de la table. George Sand lisait à son tour : « C’est bien mieux écrit, » dit-on unanimement. Cadol, ou un autre, reprit l’office de lecteur : « C’est, derechef, bien mal écrit. » George Sand reprend la brochure en mains : « Maintenant c’est tout à fait bon. Quel est donc ce mystère ? » « Nigauds ! » dit Sand en riant, « vous ne savez pas lire !