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viii
Préface

pouvait-elle dire comme Médée, mais de façon beaucoup moins tragique.

La meilleure façon de se renouveler, c’est de se retrouver. Jamais George Sand ne fut plus jeune ; jamais elle ne fut plus près de la perfection ; jamais sa manière ne fut plus fraîche, ajoutons ne fut plus forte et plus verte, que dans cette troisième manière. La Mare au Diable, la Petite Fadette, les Maîtres Sonneurs sont des chefs-d’œuvre incomparables de la littérature française, parce qu’ils sont — écrits par un grand poète, il ne faudrait pas oublier cela — les ouvrages les plus sincères, les plus personnels, les plus intimes qui aient été écrits en langue française.

La plupart des auteurs qui peignent la nature l’ont découverte à un moment donné de leur carrière, quelquefois assez tard. Et découvrir, c’est toujours un peu inventer. George Sand ne l’a jamais découverte. George Sand a toujours été, dès son enfance, en contact avec la nature. Elle a vécu avec elle, en elle, mêlée à elle. Elle a été, selon les époques et selon les âges, en camaraderie, en intimité ou en communion avec la nature. Elle pouvait dire d’elle : « In ea vivimus, movemur et sunius. » Il en résulte que nous aussi, en lisant les œuvres rustiques de George Sand, nous ne sommes pas placés en face de la nature, comme devant un tableau, mais dans la nature, comme dans une atmosphère qui nous entoure de toutes parts et où nous baignons. George Sand n’est pas un spectateur de la nature, elle en fait partie ; et si elle la voît, encore plus et encore mieux faut-il dire qu’elle la respire.

C’est pour cela — l’a-t-on bien remarqué — qu’elle nous donne une sensation de la nature d’autant plus forte