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Les Maîtres sonneurs

de Saint-Jean en arrivant au bourg, et nous ouvrirons gaiement la danse tous les deux.

— Allons, Brulette ! lui dis-je en soupirant, c’est comme tu voudras ; je ferai mon possible pour ne plus t’aimer que comme tu me le commandes, et, dans tous les cas, je te resterai bon parent et bon ami, comme c’est mon devoir.

Elle me prit la main, et, s’amusant à faire galoper ses amoureux, elle courut avec moi jusque sur la place du bourg, où déjà les vieux de l’endroit avaient dressé les fagots et la paille de la jaunée. Brulette fut requise, comme étant arrivée la première, d’y mettre le feu, et bientôt la flamme s’éleva jusqu’au-dessus du porche de l’église.

Mais nous n’avions point de musique pour danser, lorsque le garçon à Carnat, qui s’appelait François, arriva avec sa musette et ne se fit point prier pour nous venir en aide, car lui aussi en tenait sa bonne part pour Brulette, comme les autres.

On se mit donc à baller bien joyeusement ; mais, au bout de peu de minutes, chacun s’écria que cette musique coupait les jambes. François Carnat y était encore trop novice, et il avait beau faire de son mieux, on ne pouvait pas se mettre en train. Il s’en laissa plaisanter, et continua, bien content d’avoir occasion de s’exercer, car c’était, je le crois, la première fois qu’il faisait danser le monde.

Ça ne faisait l’affaire de personne, et quand on vit que cette danse, au lieu d’adoucir les jambes déjà lasses, ne faisait que les achever, on parla de se dire bonsoir, ou d’aller finir la journée entre hommes au cabaret. Brulette et les autres fillettes se récrièrent, nous traitant de beuveraches et de malplaisants garçons ; et cela fit un débat, au milieu duquel un grand beau sujet se montra tout d’un coup, avant qu’on eût pu voir d’où il sortait.

— Oui-dà, enfants ! cria-t-il d’une voix si forte qu’elle