Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les conséquences de son injustice n’ont pas été prévues par lui-même.

— Je ne dis pas que M. le comte n’ait pas usé de rigueur,… mais madame l’a dit elle-même, il faut laisser en paix une cendre à peine refroidie.

— Vous avez raison ; parlons du sort de Gaston et non du mien. Est-il vrai qu’il ait de Michelin la promesse d’épouser sa fille et de prendre son nom ?

— Madame n’a point à s’en inquiéter. Michelin, qui a de l’amitié pour moi, m’en eût fait confidence. M. Gaston a parlé ainsi pour détourner les soupçons de Roger, que votre cri maternel avait sans doute vivement frappé.

— Roger aurait des soupçons ! Déjà ! Au fait, je n’avais pas demandé à voir Espérance, je ne l’avais pas nommé, je parlais seulement d’un homme que j’avais vu la figure en sang, c’est vous que je demandais pour savoir la vérité. Et Roger de son propre mouvement m’a amené son frère ! Charles, tâchez de savoir ce que pense Roger.

— Il ne pense plus rien, madame, et il serait imprudent de l’interroger.

— Surveillez-le, au moins, tâchez de le deviner.

— Que madame soit tranquille, je n’y manquerai pas.

— Mon Dieu ! dit la comtesse en essuyant ses yeux rougis par les pleurs, et en s’efforçant de manger avec une soumission déchirante, voilà