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compris ce qu’il suppose, il se croit fils de M. de Salcède, et il en est fier.

— Qu’il le croie, m’écriai-je. Oh ! madame, qu’il le croie, et, puisqu’il est homme d’honneur, tout est sauvé. Il ne sait pas son âge au juste, à un an ou deux près, il peut l’ignorer. Qu’il ignore donc, au nom du ciel, qu’il est né dans le mariage.

— Vous pensez toujours à préserver Roger d’un partage ? Oui, c’est votre idée fixe, mon bon Charles. Je ne vous en veux pas d’aimer Roger plus que lui…

— Je songe à quelque chose de plus important encore pour madame la comtesse. Si Gaston a vingt-trois ans, madame a aimé étant demoiselle, un homme auquel ses parents n’ont pas voulu l’unir. S’il n’en a que vingt et un, madame a manqué à la fidélité conjugale.

— Oui Charles, vous avez raison, dit-elle avec un accent de fierté dédaigneuse, si j’ai été une fille sans pudeur, ma faute en paraît moins grave aux yeux de Gaston, puisqu’il faut que je mente et sois une mère coupable dans un cas ou dans l’autre. Ah ! que M. de Flamarande m’a fait un triste sort ! Je peux parler à cœur ouvert avec vous, Charles. Je lui aurais tout pardonné, même de m’enlever mon enfant et de me causer l’atroce désespoir de le croire mort ; mais me condamner à rougir éternellement devant lui, cela, c’est plus cruel que tout ce que l’on peut imaginer, et je veux croire que toutes