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souliers, frappant sur la pierre, retentirent comme un galop de poulain échappé.

Roger avait repris son entrain naturel.

— Eh bien, tu vois, ma bonne mère, dit-il, que le jeune gars a bonne envie de vivre. Il va épouser la filleule de Charles, à ce qu’il m’a dit tout à l’heure. Savais-tu cela ?

— Non, répondit la comtesse, maintenant son émotion : Charles ne me l’avait pas dit.

— C’est M. le comte qui me l’apprend, répondis-je.

— Je ne l’invente pas, reprit Roger : il m’a mis au courant en traversant la cour. Diantre ! elle est jolie, ta filleule ! Je l’ai aperçue à l’église, et je m’explique le cri qu’elle a jeté… Un vrai bijou ! Le gaillard n’est pas malheureux. — Allons, maman, souris donc un peu, ton inquiétude est passée. Tu vas prendre quelque chose, tu es à jeun, tu es faible, et toutes ces solennités funèbres t’ont donné sur les nerfs. Ne t’occupe pas de ces provinciaux qui sont là, la chère baronne en prend soin, et je vais l’aider à les expédier.

— Songe à toi, répondit la comtesse. Va déjeuner, je le veux. Je suis très-bien à présent. J’ai toute ma tête et ne comprends rien à la frayeur que j’ai eue ; va, mon enfant !

— Oui, mais à la condition que Charles te fera manger ce que je vais t’envoyer. Promets-moi de manger.