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que chose. Aussi je dis qu’il faut avoir quelque chose pour être heureux, et je ne crache pas sur la richesse. M. Alphonse n’est pas un pauvre, mais enfin il nous a dit, quand il s’est établi céans, qu’il se retirait de la grande compagnie parce qu’il s’était ruiné à l’étranger, et nous voyons bien, malgré sa grande charité, car il donne au-dessus de ses moyens, qu’il a mis son restant dans un bout de terre qui ne fait pas une fameuse seigneurie. Dame, il y en a grand, et il y a de la belle herbe ; mais c’est tout raviné, et, s’il y cueille de quoi remplir ses herbiers, il n’en tire pas beaucoup d’autre revenu. Alors, moi, je me dis : On parle du revenu de la famille Flamarande par cent mille et cent mille, Espérance a droit à la moitié du tout, et, pour des raisons de prince que les gens comme nous ne comprennent guère, vous allez le priver de son dû ! Ça n’est pas juste, et, foi d’homme, je ne vous promets point de ne pas lui dire, si je lui vois des ennuis : « Mais vous êtes le comte de Flamarande, il n’y en a pas deux, il n’y a que vous. »

— C’est bien, Ambroise, répondit M. de Salcède, qui l’avait écouté en souriant ; mais nos raisons de prince te paraîtront sérieuses lorsque tu sauras que je suis pour le moins aussi riche que l’était M. de Flamarande. Je n’ai jamais été ruiné. J’ai dû donner ce motif à mon établissement ici, et, depuis quinze ans que j’y vis, — pas beaucoup mieux que