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disant aux Michelin qu’il mettait là en dépôt des meubles qu’il ne pouvait loger au Refuge. C’est dans cette pièce que madame de Flamarande était installée tandis que madame de Montesparre occupait l’appartement d’Espérance, situé au-dessous, chaque étage du donjon ne contenant qu’une pièce à pans coupés, avec des cabinets dans les tourillons.

Madame vint à nous, nous serra les mains et nous fit asseoir, puis on ferma les portes et on attendit que M. de Salcède eût fini d’écrire quelque chose. Je le regardais curieusement. Il avait toujours son habit de paysan, qu’il portait avec l’aisance d’un gentilhomme ; il était toujours aussi beau que je l’avais vu au Refuge, et madame était aussi belle qu’au lendemain de son mariage. Elle avait trente-huit ans, il en avait quarante-trois ; c’est peut-être l’âge des grandes passions pour les deux sexes. Madame de Montesparre n’était pas aussi merveilleusement conservée que madame la comtesse : elle avait pris un peu d’embonpoint ; mais, toujours mise avec un goût exquis, elle ne paraissait guère avoir plus de trente ans, bien qu’elle eût la quarantaine. C’était toujours une charmante femme, très-sympathique, et qui me sembla même plus séduisante et plus intéressante qu’autrefois. Elle ne méritait pas l’accusation de légèreté que M. le comte avait portée sur elle. Elle avait aimé uniquement M. de Salcède et s’était dévouée et sacrifiée à lui et à madame de Flamarande