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Il me sembla qu’Espérance, marié avec Charlotte sous un nom quelconque qui lui serait attribué par un acte de notoriété établi à la mairie de Flamarande, endosserait forcément un nouvel état civil et aurait plus de peine à prouver qu’il était l’enfant né à Sévines et nourri à Nice. Que mes calculs fussent justes ou non, il y avait là quelque chose à tenter. Je savais par madame de Flamarande que Michelin n’était pas contraire au mariage de sa fille avec Espérance, qui était en somme un bon parti quant aux ressources présentes (je faisais toujours toucher la pension), mais dont l’absence de nom et de famille avouée lui répugnait un peu. Michelin avait des idées aristocratiques dans son genre. Il avait découvert, dans de vieux actes, que ses ancêtres avaient régi la ferme et habité le manoir de Flamarande dans des temps reculés ; il se croyait presque noble, et, voyant tomber sa postérité en quenouille, il ne trouvait pas que le nom d’Espérance pût conserver l’antique lustre de celui de Michelin.

Il y avait une chose bien simple à faire, c’est que M. de Salcède reconnût Espérance pour son fils ou procédât à son adoption pour lui faciliter le mariage ; mais M. de Salcède approuverait-il ce mariage, voilà ce que je ne pouvais pas savoir, ce que madame elle-même ne savait pas, n’ayant pas encore attaché une grande importance à l’inclination du jeune homme.