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Et il se détourna pour embrasser Salcède, qui arrivait avec la comtesse et la baronne. Il lui donna cette accolade avec une effusion bien éloquente ; son aversion pour moi jusqu’au dernier moment ne le fut pas moins.

Blessé jusqu’au fond du cœur, je m’enfonçai dans le jardin et j’allai me jeter sur ce banc ombragé où je m’étais assis la veille à l’endroit le moins fréquenté du parc. Je me rappelai seulement alors que c’était juste en cet endroit-là qu’avait eu lieu la violente explication entre MM. de Flamarande et de Salcède dans la fatale nuit qui avait brisé leur existence. De là, peu d’instants après, je vis passer la voiture qui emportait ma dernière consolation, mon dernier espoir en ce monde ; tout était consommé. J’avais sacrifié jusqu’à mon honneur pour cet enfant qui me payait en mépris. Je ne pleurai pas, je restai pétrifié et n’ayant plus conscience de moi-même.

Quelqu’un s’assit près de moi sans que je l’eusse entendu venir et prit ma main glacée dans les siennes.

— Gaston ! m’écriai-je sortant comme d’un rêve.

— Non, Espérance Michelin, répondit-il en souriant. Il n’y a plus de Gaston. Oublions ce personnage ; mais vous, voyons ! vous êtes souffrant ou désespéré. Pourquoi ne suivez-vous pas ma mère, qui n’a jamais, méconnu votre attachement ?

— Roger…