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tu as été un âne,… non, pis que cela, un diable tentateur pour m’amener par l’égoïsme à me conduire comme un pleutre et à raisonner comme un lâche. Tu m’as fait beaucoup de mal dans ma vie, car il n’a pas tenu à toi que je ne fusse capable de céder à la première lutte. Quand j’ai fait mes premières folies de jeune homme, tu n’aurais pas dû payer mes dettes et me promettre le secret. Tu aurais dû avertir ma mère, je n’aurais pas recommencé si vite. Tu la savais gênée à Ménouville, tu aurais dû me forcer à m’en apercevoir et m’apprendre à sacrifier mes sottes fantaisies à son bien-être. J’ai su par Ferras ce que mes amusements lui ont coûté de privations. N’était-ce pas à toi de m’avertir, toi qui tenais les cordons de la bourse ? Oh ! oui, j’ai été terriblement gâté ! Aussi au premier chagrin ai-je failli devenir fou. Je ne suis pas mauvais, non ! J’étais heureux d’abord de retrouver mon frère et fier de l’accepter avec joie ; mais, dès qu’un doute s’est élevé dans mon esprit, ma tête s’est égarée. Je suis parti comme un furieux et j’ai souffert,… ah ! oui, j’ai souffert le supplice des damnés. J’aimais et je haïssais, je voulais et ne voulais pas, j’étais attendri et j’étais enragé, je crois même que j’ai été ivre. J’étais irrité contre la maudite bête que j’avais prise au hasard dans l’écurie et qui se défendait de l’éperon en ruant à la botte. Et puis, à la Violette, où Gaston m’a rattrapé, j’ai bu je ne sais quoi d’atroce qui me portait à la haine. Pour un rien, j’aurais tué