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— C’est-à-dire que tu veux que je te demande pardon de t’avoir rudoyé ? Eh bien, non, je ne m’en repens pas ; tu avais affreusement tort. Tu voulais me détourner de mon devoir, toujours ton idée de voir en moi le comte de Flamarande, le fils unique, le riche héritier, le seul chef de la famille. Eh bien, je ne suis plus M. le comte et je ne m’en porte pas plus mal, je n’en suis pas plus triste, et je vois que pour de pareilles chimères on peut devenir pis qu’un sot, on peut devenir un mauvais fils. C’est du moins là ce que tu voulais faire de moi en me conseillant de laisser adopter Gaston par un étranger, et, quand tu as vu que je m’étonnais de ton idée, tu as prétendu que c’était celle de ma mère ; et, quand j’ai refusé de le croire, au lieu de me dire la vérité sur les intentions de mon père, au lieu de me montrer la déclaration que tu as remise ensuite à M. de Salcède, tu m’as laissé battre la campagne et croire que ma mère avait accepté sans révolte un soupçon fondé. Tu m’as parlé de la jalousie de mon père : il ne fallait pas prononcer ce mot-là sans me montrer tout de suite la rétractation de l’injure faite à ma mère. Tu as agi en coquin, toi, le plus honnête des hommes, et cela par préjugé nobiliaire, comme si tu avais aussi des aïeux, et par stupide habitude de gâterie à mon égard, comme si je devais périr de honte et de misère le jour où je serais forcé de ne plus jouer gros jeu et de renoncer aux femmes qui coûtent cher. Conviens que