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vous. Je pleure aussi l’orgueil et la joie de la voir entourée de respect et de vénération. Je sais à présent pourquoi vous avez été écarté de la maison paternelle. Que le soupçon auquel vous avez été sacrifié soit injuste ou fondé, ce n’est pas à nous de le savoir et je reconnais avec vous que nous devons le repousser de nos cœurs ; mais il renaîtra dans l’esprit de tous ceux qui vous verront reparaître, et, au lieu d’avoir des amis agenouillés devant la vie d’une sainte, nous aurons des curieux malveillants ou railleurs à châtier. Nous ferons notre devoir, vous autant que moi, je le pense ; mais on ne persuade pas à coups d’épée ou de pistolet, et plus nous ferons de bruit autour de l’honneur de notre mère, plus ressortira sur sa robe blanche cette tache que tout notre sang ne pourra effacer.

» Ces paroles de mon frère pénétrèrent en moi comme une lame d’acier. Il n’était plus ivre, il était surexcité, et la vérité sortait cette fois de ses lèvres. Je me mis à ses genoux, et, le serrant dans mes bras, je lui dis :

» — Je te remercie de m’éclairer ; jusqu’à présent, je n’avais pas compris. Je t’aurais sacrifié tous mes droits par amour pour toi ; à présent je comprends que je dois y renoncer absolument pour l’honneur de notre mère. Le soupçon injuste du comte de Flamarande pèserait sur toute sa vie, et je haïrais mon père malgré moi d’avoir imprimé