Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» — M. de Salcède voulait m’adopter, croyant apparemment que je n’avais ni nom ni état dans le monde. Quand il saura qui je suis, il n’y songera probablement plus.

» Il se mit à rire amèrement.

» — Ah ! tu crois que M. de Salcède ignorait qui tu es ? Tu es un ingénu, toi ! Tant mieux pour toi. Quand je te dis que tu es né heureux ! Allons, retourne à ton idylle dorée, et que le ciel te bénisse ! Moi, je vais prendre l’air le plus loin possible de ce poëme champêtre !

» — Où vas-tu ?

» — Où il plaira à Dieu. Qu’est-ce que cela te fait ?

» — Je veux le savoir.

» — Je n’ai pas de comptes à te rendre.

» — Pardonnez-moi, vous êtes encore mineur, et je suis votre aîné.

» — Mon aîné, c’est cela ! mon chef de famille ! Vous allez me donner des ordres, vous ?

» — Oui, moi, le comte de Flamarande, je vous traiterai comme un enfant que vous êtes. Je vous empêcherai de flétrir votre mère par une fuite qui est l’aveu d’un soupçon infâme. Oh ! j’ai compris, allez ! Si je suis un ingénu, je ne suis pas un niais. Je n’ai pas vécu jusqu’à présent sans me demander qui était mon père, et je n’ai jamais eu la lâche pensée de croire que M. de Salcède me trompait en me jurant qu’il ne l’était pas. Je crois à ce qui est vrai, moi, je ne suis pas fou. Donc