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et menant en laisse le cheval de Michelin. Il mit pied à terre en nous apercevant, tira les chevaux par la bride et vint à nous, pâle, mais non triste ni accablé.

— Vous êtes inquiets, nous dit-il sans attendre nos questions. Je vais vous dire ce qui s’est passé. Entrons dans le bois ; nous parlerons sans être dérangés par les passants.

Nous gagnâmes les pins. Il attacha les chevaux à un arbre, et nous nous jetâmes sur la mousse, nous étions fatigués tous les trois. Après avoir réfléchi un instant comme pour se résumer, Gaston nous raconta ainsi son entretien avec son frère :

— Je ne l’ai rattrapé qu’au cabaret de la Violette ; il allait comme le vent. Il ne voulait pas s’y arrêter, mais son cheval avait perdu un fer et s’était cassé un bout de corne. Il a été obligé de descendre, très-contrarié, car il avait bien vu que je le suivais de près et qu’il ne pouvait plus m’éviter.

» — Que me voulez-vous ? m’a-t-il dit ; n’ai-je pas le droit de me promener sans vous avoir sur mes talons ?

» — Il y a, lui répondis-je, bien du changement depuis hier soir, à ce qu’il paraît ? mais nous ne pouvons pas nous expliquer si près de ces gens qui pansent votre cheval. Venez dehors avec moi.

» — Il ne me plaît pas de m’expliquer. Je veux rester ici. Laissez-moi tranquille.

» Je dis tout bas au cabaretier, à qui il avait de-