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seul et l’élevait dans cette notion atroce que sa mère lui préférait le fils de l’adultère. Il a fallu me soumettre et me résigner au silence.

— Je dois dire à madame, pour la tranquilliser au moins sur un détail, que M. le comte est informé — j’ignore absolument par qui — de ses entrevues secrètes avec M. Gaston et M. de Salcède. Il est résolu à fermer les yeux là-dessus et n’exige pas que M. Gaston soit éloigné de celui qui s’est consacré à son éducation.

— Il n’y a pas de mérite, reprit la comtesse avec vivacité, il a découvert cela bien tard, et je sais que ce n’est pas par vous. Il n’était plus temps alors de disposer de Gaston comme d’un petit enfant. Il n’était pas en son pouvoir d’éloigner M. de Salcède de Flamarande, puisqu’il est établi là sur une terre qui lui appartient. Quant à m’empêcher de voir mon fils à la dérobée et sans lui faire savoir qui je suis et qui il est… oui, il le pouvait. C’est pourquoi je tremble, et n’ai jamais pu embrasser Gaston sans subir la terreur de perdre Roger. Vous me dites qu’il tolère ces entrevues. À la bonne heure ! Je sais bien qu’il ne m’a jamais fait l’honneur d’être jaloux de moi !

— Madame se trompe, il fut un temps…

— Un temps bien court où je pouvais me croire aimée ; mais, pour avoir été si tôt changée en mépris, il fallait que l’affection fût bien peu sérieuse.

— Madame me permettra de lui dire que la faute