Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heure que je vous observe comme je n’ai jamais eu l’occasion de le faire, et que je vous écoute sans ressentiment, je crois vous avoir pénétré. Écoutez donc mon jugement sur vous. Le plus grand service que l’on puisse rendre à un homme dans votre situation, c’est de l’aider à se bien connaître lui-même, et je veux, je dois vous rendre ce service-là… Tout à l’heure, je vous ai pris pour un infâme, et puis pour un fou, ensuite pour un maniaque, et je me suis demandé si, dans ses longues relations confidentielles avec vous, M. de Flamarande ne vous avait pas inoculé sa maladie.

— Il y a de cela, répondis-je tristement ; je me le suis dit maintes fois !

— Eh bien, non, reprit M. de Salcède, vous n’êtes ni fou, ni maniaque, ni méchant, ni fourbe ; vous êtes une nature inquiète, vous l’avez dit, et gouvernée par une certaine exaltation dont vous ne connaissez pas les mobiles. Il y en a deux : le premier, c’est la vanité, je dirai, si vous voulez, l’orgueil froissé ; le second…, vous ne l’avouerez jamais, et je ne vous le signalerai pas, mais vous me comprenez sans que je parle.

— Vous vous trompez, monsieur, m’écriai-je, sentant une sueur froide couler de mon front, car il arrivait à l’accusation que j’avais toujours redoutée plus que tout au monde.

— Vous avez deviné si vite, reprit-il, que je n’hésite plus à le croire. Oui, voilà le mal caché qui