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d’où dépendait l’avenir de Gaston ; mais madame de Flamarande mentait plus énergiquement que moi en niant la nature de ses relations avec Salcède ; nous étions à deux de jeu. Elle fut très-abattue en voyant échapper le moyen de salut sur lequel elle avait le plus compté. Elle devint pâle et s’assit sur un banc, car nous parlions en marchant dans le parc.

Mais elle avait trop souffert toute sa vie pour n’avoir pas l’habitude d’un grand courage.

— Allons ! dit-elle avec un profond soupir, on veut qu’il soit le fils de Salcède, et, à moins d’entamer une lutte pleine de dangers et de scandales, il faut que mon fils ait le père que M. de Flamarande lui attribue ! C’est monstrueux, mais c’est comme cela !

— Je m’étonne, repris-je, que madame la comtesse, qui se montre si forte de son innocence et si indignée des soupçons de son mari, ne se soit jamais expliquée résolûment avec lui, du moment qu’elle a su les motifs de son éloignement pour Gaston.

— Je l’ai tenté une fois, j’avais surmonté la frayeur qu’il m’inspire. J’étais prête à exiger, à menacer. Alors il entra en fureur, et menaça à son tour, de quelle atroce menace, vous le savez : il me séparait de mon autre enfant ; il partait avec lui pour l’étranger. Il me laissait libre de plaider en séparation, il se laissait condamner par défaut, mais il mobilisait sa fortune au profit de Roger