Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non. Roger souffrira du trouble que vous avez jeté dans son esprit. Il en souffrira plus ou moins longtemps ; mais maintenant sa mère l’aggraverait au lieu de le dissiper, si elle consentait à me laisser adopter Gaston. Il n’y a plus qu’une chose à faire, c’est qu’au cas où Roger lui répéterait vos paroles, elle réponde que vous vous êtes trompé sur ses intentions. S’il ne lui parle pas de vous, je suis bien certain qu’elle ne lui parlera pas du tout de moi. On peut la prévenir pour lui épargner le malaise de la surprise. Chargez-vous de ce soin. Je vais lui écrire. Tâchez de la voir avant Roger. Il n’y a pas autre chose à prévoir. L’avenir est dans les mains de Dieu.

La résignation passive de M. de Salcède, que j’avais jugé si scrupuleux et si loyal, me confondit de surprise.

— Ainsi, lui dis-je avec beaucoup d’émotion, M. le marquis abandonne la partie, il sacrifie Roger, il lui laisse porter la peine des malheurs et des fautes de sa famille ?

— Il est trop gentilhomme et trop honnête homme pour s’en plaindre, répondit M. de Salcède. Il n’entendra jamais accuser son père, ni par sa mère, ni par Gaston, et, comme ce que lui a dit Ferras est la stricte vérité, il n’aura pas de peine à la maintenir vis-à-vis des autres, s’il rencontrait quelque contradiction de leur part ; vis-à-vis de lui-même, s’il lui arrivait d’avoir encore à com-