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— Eh bien, c’était un homme de mérite assurément, mais très-bizarre et qui n’aimait pas les enfants.

— Oh que si ! il vous aimait.

Je coupai la parole à Roger pour affirmer qu’il était injuste envers son père.

— Tais-toi, me dit Roger, tu n’as pas voix au chapitre. Moi, je sais bien des choses que ce garçon sait peut-être. — Espérance, as-tu jamais ouï parler du jeune Gaston de Flamarande ?

— Gaston le berger ? dit Espérance, qui soutenait avec candeur le regard attentif de son frère.

— Non, pas celui de la légende ; l’autre Gaston, celui qui était mon frère.

— Un pauvre enfant presque naissant noyé dans la Loire ? Oui, on a parlé ici de ce grand malheur. Il s’appelait Gaston ?

— Tu ne le savais pas ?

— Non, je ne savais pas, répondit Espérance, qui évidemment apprenait en ce moment son véritable nom ; eh bien ?

— Eh bien, reprit Roger, l’histoire de ce Gaston-là, que ma mère a pleuré et cherché partout pendant des années et que mon père n’a jamais ni cherché ni pleuré,… prouve que le comte de Flamarande n’aimait pas beaucoup ses enfants.

Et, se tournant vers moi, Roger ajouta :

— Ce sont là des choses que je me rappelle très-bien.