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grand sens et la haute délicatesse de Charlotte. Espérance, après une lutte assez vive, s’était rendu. On avait donc décidé que Salcède et son pupille passeraient l’hiver à Paris.

— À présent, ajouta la comtesse, je suis heureuse parce que je pourrai voir souvent mon fils ; mais j’avoue que, s’il changeait de cœur, je ne l’estimerais plus autant ; mais il ne changera pas, c’est impossible.

— Dans tout cela, lui dis-je, comment Charlotte prend-elle votre situation vis-à-vis d’elle ?

— Voilà ce qu’il m’est impossible de savoir, répondit la comtesse, car je ne dois pas le lui demander. Vous vous souvenez que, quand je l’ai embrassée sur le sentier et qu’elle cherchait à me voir dans les ténèbres, mon fils lui a dit en la retenant : « Jamais » Elle lui est soumise comme à Dieu. Elle ne cherchera jamais à deviner.

— Mais elle devine !

— Je le crois aussi ; pourtant elle se tait, et ne semble voir en moi que la très-bienveillante dame de Flamarande qu’elle sert respectueusement. Je l’en aime d’autant plus. C’est un ange, cette petite !

— Madame est faible dans sa tendresse et dans sa bonté, elle lui dira tout.

— Non, Gaston ne veut pas, et c’est Gaston qui nous gouverne tous, même Salcède, qui ne voit que par ses yeux.

Le dîner nous fut apprêté et servi par les deux