Page:Sand - Les Dames vertes, 1879.djvu/151

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’épouvantable tristesse qui régnait au fond de mes pensées. Tout le monde remarquait en moi un grand changement à mon avantage, et elle s’en était réjouie d’abord. Ma conduite était d’une austérité complète et mon entretien aussi grave et aussi sensé que celui d’un vieux magistrat. Sans être dévot, je me montrais religieux. Je ne scandalisais plus les simples par mon voltairianisme. Je jugeais avec impartialité toutes choses et critiquais sans aigreur celles que je n’admettais pas. Tout cela était édifiant, excellent ; mais je n’avais plus de goût à rien et je portais la vie comme un fardeau. Je n’étais plus jeune, je ne connaissais plus ni l’ivresse de l’enthousiasme ni l’entraînement de la gaieté.

J’eus donc le temps, malgré mes grandes occupations, de faire des vers, et j’aurais eu encore ce temps-là, quand même on ne me l’eût pas laissé, car je ne dormais presque plus et ne recherchais aucun de ces amusements qui