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Aussi je m’en gardai bien ! je me soignai moralement et physiquement comme un garçon très-épris de la conservation de son être. Je travaillai sans excès, je me promenai régulièrement, j’éloignai toute idée lugubre, je m’abstins de toute lecture excitante. La raison de toute cette raison prenait sa source dans une folie obstinée mais tranquille et, pour ainsi dire, maîtresse d’elle-même. Je voulais constater devant mon propre jugement que je n’avais pas été fou, que je ne l’étais pas, et qu’il n’y avait rien de plus avéré à mes propres yeux que l’existence des dames vertes. Je voulais aussi remettre mon esprit dans l’état de lucidité nécessaire pour cacher mon secret et le nourrir en moi, comme la source de ma vie intellectuelle et le critérium de ma vie morale.

Toute trace de crise s’effaça donc rapidement, et, à me voir studieux, raisonnable et modéré en toutes choses, il eût été impossible de deviner