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j’eusse jamais ressentie ; je perdis la tête et faillis m’élancer encore pour retenir l’ombre enchanteresse, car peu à peu je m’étais assez rapproché d’elle pour être à portée de saisir le bord de son vêtement, si j’eusse osé le toucher ; mais je n’osai pas. J’avais oublié, il est vrai, les menaces de la légende contre ceux qui tentaient de commettre cette profanation ; j’étais seulement retenu, et comme anéanti, par un respect superstitieux ; mais un cri de désespoir sorti de ma poitrine alla vibrer jusque dans les conques marines des tritons de la fontaine.

L’ombre s’arrêta, comme retenue par la pitié.

— Que veux-tu encore ? me dit-elle. Voici le jour, je ne puis rester.

— Pourquoi donc ? Si tu le voulais !

— Je ne dois pas revoir le soleil de cette terre. J’habite l’éternelle lumière d’un monde plus beau.

— Emmène-moi dans ce monde ! je ne veux