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le druide et sa sourdeline, ou bien je vous ferai mauvaise mine, je vous en réponds. »

Le pauvre druide écouta en souriant le récit de Bois-Doré ; il savait plaisanter à l’occasion, c’est-à-dire prendre en bonne part la plaisanterie des autres. Il ne voyait dans Lauriane qu’une charmante enfant dont il eût pu être le père ; mais il était encore assez jeune pour se souvenir d’avoir aimé, et, au fond du cœur, le sentiment de son isolement dans la vie était pour lui une grande amertume.

En songeant au passé, il étouffa un soupir de regret et se mit à jouer spontanément un air italien que le marquis aimait par-dessus tous les autres.

Il le joua avec tant de charme et de passion, que Bois-Doré lui dit, en se servant de son juron favori, tiré de M. d’Urfé :

Numes célestes ! vous n’avez pas besoin de langue pour parler d’amour, mon grand ami, et, si l’objet de vos feux était ici, il faudrait qu’il fût sourd pour ne pas comprendre que toute votre âme se confesse à la sienne. Mais, voyons, ne me ferez-vous point lire ces pages de sublime science ?…

Lucilio fit signe qu’il avait la tête un peu fatiguée, et Bois-Doré s’empressa de l’envoyer dormir, après l’avoir fraternellement embrassé.

Le fait est que Giovellino se sentait, fort souvent, plus artiste et plus sentimental que savant et philosophe. C’était à la fois une nature enthousiaste et réfléchie.

Cependant M. de Bois-Doré s’était retiré dans « sa chambre de nuit, » située au-dessus du salon.

C’était à bonnes enseignes qu’il avait dit à Lucilio qu’aucune femme ne pénétrait jamais dans ce sanctuaire de son repos, ni dans les cabinets qui en faisaient partie ;