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lui fit comprendre, par ses regards et sa pantomime, qu’il se trouvait heureux près de lui, qu’il ne regrettait pas la gloire et le bruit du monde, et qu’il était bien disposé à la prudence, par crainte de compromettre son protecteur.

— Quant à ce jeune gentilhomme que vous m’avez vu introduire ici et fêter de mon mieux, poursuivit Bois-Doré, il faut que vous sachiez que je ne sais rien de lui, sinon qu’il est l’ami de messire Guillaume d’Ars, qu’il court un danger, et qu’il y a à le cacher et le défendre au besoin. Mais ne trouvez-vous pas surprenant que, de la journée, cet étranger ne m’ait point pris à part une seule fois pour me confier son cas, ou qu’il ne l’ait point fait lorsque naturellement, nous nous sommes trouvés ensemble en arrivant céans ?

Lucilio, qui avait toujours un crayon et un cahier de papier près de lui sur la table, écrivit à Bois-Doré :

« Orgueil espagnol. »

— Oui ! reprit le marquis, lisant, pour ainsi dire, avant qu’il eût écrit, tant il avait pris, depuis deux ans, l’habitude de deviner ses mots dès les premières lettres ; « hauteur castillane, » voilà ce que je me suis dit aussi. J’ai connu bon nombre de ces hidalgos, et je sais qu’ils ne croient pas être impolis en manquant de confiance. Donc, il me faut pratiquer ici l’hospitalité à la mode antique, respecter les secrets de mon hôte et lui faire bon visage, comme à un ancien ami dont on croit tout le plus honorable du monde. Mais cela ne m’oblige point à lui donner la confiance qu’il me refuse, et c’est pourquoi vous avez vu que, devant lui, je vous ai laissé en un coin comme un pauvre musicien à gages. Et là-dessus, mon grand ami, je vous demande de m’excuser, une fois pour toutes, de tous les manquements d’affection