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caractère, pour ses grandes connaissances et pour ses malheurs, dont voici la courte histoire :

Lucilio Giovellino, natif de Florence, était un ami et un disciple de l’illustre et infortuné Giordano Bruno. Nourri des hautes sciences et des vastes idées de son maître, il avait, en outre, une grande aptitude pour les beaux-arts, la poésie et les langues. Aimable, éloquent et persuasif, il avait propagé avec succès les doctrines hardies de la pluralité des mondes.

Le jour où Giordano mourut dans les flammes avec la tranquillité d’un martyr, Giovellino avait été banni de l’Italie à perpétuité.

Cela s’était passé à Rome deux ans avant l’époque de notre récit.

Sous la main des tourmenteurs, Giovellino n’avait pas voulu accepter la solidarité de tous les principes de Giordano. Tout en chérissant son maître, il avait rejeté certaines de ses erreurs, et comme on n’avait pu le convaincre que de la moitié de son hérésie, on ne lui avait appliqué que la moitié de son supplice : on lui avait coupé la langue.

Ruiné, banni, brisé par les tortures, Giovellino était venu en France, où il sonnait sa douce cornemuse de porte en porte, pour un morceau de pain, lorsque, la Providence l’ayant amené à celle du marquis, il avait été par lui recueilli, soigné, guéri, nourri, et, ce qui valait encore mieux, chéri et apprécié. Il lui avait raconté par écrit ses infortunes.

Bois-Doré n’était ni savant ni philosophe ; il s’était d’abord intéressé à un homme poursuivi, comme il l’avait été longtemps lui-même, par l’intolérance catholique. Cependant il n’eût pas aimé un sectaire farouche, violent, comme bon nombre de huguenots non moins persécuteurs,