Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle referma l’armoire et regarda la chaire de bois sculpté, le petit autel et le coussin de velours noir blanchi et usé par les genoux de Charlotte. Elle y posa les siens et pria sans se demander si elle était dans une église ou dans un temple, si elle était protestante ou catholique.

Elle invoqua le Dieu des faibles et des affligés, le Dieu de Charlotte d’Albret et de Jeanne de France.

Puis, se sentant rassurée et voyant les chevaux prêts pour le départ de ses hôtes, elle redescendit au salon pour recevoir leurs adieux.

Elle trouva son père très-animé.

— Venez çà, madame ma chère fille, lui dit-il en lui prenant la main pour la faire asseoir sur le fauteuil que Bois-Doré et d’Alvimar se hâtaient de lui avancer ; vous nous ramenez la concorde. Quand les femmes laissent les hommes entre eux, ils deviennent maussades, ils parlent politique ou religion, et, sur ce point-là, personne ne peut s’entendre. Soyez la bienvenue, vous qui avez la douceur des colombes, et parlez-nous des vôtres que, sans doute, vous venez de coucher.

Lauriane avoua qu’elle avait oublié ses tourterelles. Elle se sentait sous l’œil clair et pénétrant de d’Alvimar. Elle s’enhardit à le regarder. Décidément, il ne ressemblait pas plus au Borgia que le bon M. Sylvain lui-même.

— Vous vous êtes donc encore querellé avec notre voisin ? dit-elle à son père en l’embrassant, pendant qu’elle tendait la main au vieux marquis. Eh bien, qu’est-ce que cela fait, puisque vous confessez avoir besoin d’un peu de contradiction pour digérer.

— Non, mordi ! répondit M. de Beuvre, si c’était avec lui, je ne m’en confesserais pas, je n’aurais fait