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ne voulons pas priver M. de Villareal des douceurs qui l’y attendent.

— J’accepte l’hyperbole, répondit Bois-Doré, si elle peut éblouir M. de Villareal au point de le faire rester longtemps sous ma garde.

Et, ouvrant ses deux grands bras couverts de manchettes jusqu’aux coudes, il embrassa le prétendu Villareal en lui disant avec un bon rire qui montrait ses grandes dents blanches :

— Fussiez-vous le diable, monsieur, du moment que vous m’êtes confié, vous devenez pour moi comme un frère.

Il se garda bien de dire « comme un fils. » Il eût craint de révéler le chiffre de ses années, chiffre qu’il croyait mystérieux, depuis qu’il l’avait oublié lui-même.

Villareal d’Alvimar se fût bien passé de cette accolade, de la part d’un catholique de si fraîche date, d’autant plus que les parfums dont le marquis était imprégné lui ôtèrent le peu d’appétit qu’il avait, et qu’après l’avoir embrassé, il lui serra vigoureusement les mains entre ses doigts secs, armés de bagues énormes. Mais d’Alvimar devait songer avant tout à sa propre sûreté, et il sentit, à l’accent cordial et résolu de M. Sylvain, qu’il était réellement placé en des mains loyales et dévouées.

Il prit donc son parti de reconnaître la double hospitalité dont il était l’objet, en se montrant sous son meilleur jour, et, lorsqu’il sortit de table, les deux vieux gentilshommes étaient enchantés de lui.

Il eût pourtant bien souhaité de prendre quelque repos ; mais le châtelain le provoqua aux échecs et ensuite au billard avec Bois-Doré, qui se fit battre.

D’Alvimar aimait le jeu et n’était pas indifférent au gain de quelques écus d’or.