Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/51

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Mais je suis donc vieux ?

— Non, puisque vous pouvez encore paraître jeune moyennant mes recettes.

Depuis ce jour, Bois-Doré porta perruque ; sourcils, moustaches et barbe peints et cirés ; badigeon sur le museau, rouge sur les joues, poudres odorantes dans tous les plis de ses rides ; en outre, essences et sachets de senteur sur toute sa personne : si bien que, quand il sortait de sa chambre, on le sentait jusque dans la basse-cour, et que, s’il passait seulement devant le chenil, tous ses chiens courants éternuaient et grimaçaient pendant une heure.

Quand il eut bien réussi à faire, d’un beau vieillard qu’il était, une vieille marionnette burlesque, il s’avisa encore de gâter son port, qui avait la dignité de son âge, en faisant barder de doubles lames d’acier ses pourpoints et ses hauts-de-chausses, et en se tenant si droit, que, chaque soir, il se mettait au lit avec une courbature.

Il en serait mort, si, heureusement pour lui, la mode n’eût changé.

Les rigides pourpoints serrés de Henri IV s’élargirent en casaque légère sur la poitrine des jeunes favoris de Louis XIII. Les braies en cerceau firent place à la culotte large et flottante, obéissant à toutes les inflexions du corps.

Bois-Doré eut quelque peine à admettre ces innovations, et à se séparer de ses inflexibles fraises godronnées, pour se mettre un peu plus à l’aise dans les rotondes légères. Il regretta fort les passements ; mais, peu à peu, les rubans et les dentelles le séduisirent, et, après un court voyage qu’il fit à Paris, on le vit revenir habillé à la mode des jeunes gens du bel air, et affecter leur désinvolture nonchalante et brisée, s’étendant sur les fauteuils,