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Bois-Doré se souvint du temps où les dames disaient qu’il était rare de voir une chevelure aussi noire que la sienne avec une peau aussi blanche.

— Ce perruquier doit avoir raison, pensa-t-il.

Et, pourtant, il s’étonna quelques instants devant la glace, de voir que cette crinière sombre lui donnait l’air dur et violent.

— C’est surprenant, se dit-il, comme cela me change ! Cependant, c’est ma couleur naturelle. J’avais, dans ma jeunesse, l’air aussi doux que je l’ai encore. Mes épais cheveux noirs ne me donnaient pas cette mine de mauvais garçon.

Il ne lui vint pas à l’idée que tout est en parfaite harmonie dans les opérations de la nature, soit qu’elle nous fasse, soit qu’elle nous défasse, et qu’avec ses cheveux gris il avait la mine qu’il devait avoir.

Mais le perruquier lui répéta tant de fois qu’il ne paraissait plus que trente ans avec cette belle perruque, qu’il la lui acheta et lui en commanda sur-le-champ une seconde, par économie, disait-il, afin de ménager la première.

Néanmoins, il se ravisa le lendemain. Il se trouvait plus vieux qu’auparavant avec cette tête de jeune homme, et c’était l’avis de tous ceux qu’il avait consultés.

Le perruquier lui expliqua qu’il fallait mettre d’accord les cheveux, les sourcils et la barbe, et il lui vendit la teinture. Mais alors Bois-Doré se trouva si blême au milieu de ces taches d’encre, qu’il fallut encore lui expliquer que le fard était nécessaire.

— Il paraît, dit-il, que quand on commence à user d’artifice, il n’est plus possible de s’arrêter ?

— C’est la coutume, répondit le rajeunisseur ; choisissez d’être ou de paraître.