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Il fut surpris de trouver tant d’esprit chez une fille de campagne, qui, sauf une ou deux courses à Bourges et à Nevers, n’était jamais sortie des terres de son domaine.

Lauriane n’était pas très-cultivée, et peut-être n’eût-elle pas écrit une longue lettre sans y faire quelque faute de français ; mais elle parlait bien, et, à force d’entendre parler son père et ses voisins sur les affaires du temps, elle connaissait et jugeait bien l’histoire, depuis le règne de Louis XII et les premières guerres de religion.

Pourtant, comme elle se faisait la gloire de descendre de Charlotte d’Albret, et que ce souvenir était vénérable et vénéré par elle, elle n’eut point occasion de laisser voir à d’Alvimar qu’elle était hérétique, et, d’ailleurs, la civilité de ce temps-là voulait qu’on ne s’expliquât jamais inutilement sur ses propres croyances, même entre gens de la même communion, car les nuances étaient nombreuses et la controverse était partout.

En outre de ce tact délicat et ce grand bon sens qu’elle possédait, elle avait dans l’esprit un tour de franchise et de malice, amalgame tout berrichon, qui fait de l’alliance de deux contraires une manière de voir et de dire assez originale.

Elle était du pays où l’on dit la vérité en riant, et où chacun sait qu’il est compris sans avoir besoin de se fâcher.

D’Alvimar, qui était plus despote que goguenard et plus vindicatif que sincère, se sentit un peu intimidé devant cette jeune fille, et cela, sans trop pouvoir se rendre compte du pourquoi.

Il lui semblait parfois qu’elle devinât son caractère, sa vie ou sa récente aventure, et qu’elle eût l’air de lui dire :