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les genoux du marquis et l’embrassait en le tutoyant, ce que le vieillard n’avait pas le courage d’empêcher ; car lui aussi s’amusait pour son compte, et ne trouvait rien de plus doux que de voir son enfant s’amuser avec lui comme un bon camarade.

Après le dîner, on montait à cheval. Le marquis s’était procuré, pour son héritier, les plus jolis genets du monde, et il était un excellent professeur. Ainsi de l’escrime ; mais ces exercices fatiguaient beaucoup le vieillard, et il avait des suppléants qu’il se bornait à diriger.

Il y avait aussi un maître de blason, qui venait deux fois par semaine. Ce dernier ennuyait considérablement Mario ; mais il prenait sur lui-même, avec un courage bien rare chez un enfant, pour ne rien repousser de ce que son père lui imposait avec tant de douceur.

Il se consolait de la science héraldique avec ses bons petits chevaux, ses belles petites arquebuses et les leçons de Lucilio, qui l’attachaient et l’émouvaient vivement.

Il avait pour ce muet un respect dont il ne se rendait pas compte, soit que sa belle âme sentit la supériorité d’une grande âme, soit que la vénération enthousiaste de Mercédès pour Lucilio exerçât sur lui son magnétisme ; car il restait dans son cœur le fils de la Morisque, et, sentant qu’il y avait entre elle et le marquis une tendre jalousie à cause de lui, il avait l’adroite délicatesse d’être tout à l’un et à l’autre, sans éveiller l’inquiétude de ces deux cœurs d’enfants, à la fois généreux et susceptibles.

Il avait déjà fait cet apprentissage de délicatesse avec sa mère adoptive, lorsqu’ils vivaient auprès de l’abbé Anjorrant ; il ne lui était pas difficile de continuer.