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demeures, et sur un terrain neutre et communal.

» J’ai bien quelques droits sur cette route ; mais, à trois pas de la berge, dans ces vieilles roches, je ne suis ni chez vous ni chez moi. Donc, sachez que j’ai résolu de m’y battre à outrance, seul à seul, contre ce traître, lequel ne me peut refuser le combat, vu que je l’ai, à dessein, molesté et provoqué en la personne de son valet, et que je le provoque et insulte à cette heure, le traitant devant Dieu, devant vous et devant les honnêtes gens qui nous accompagnent, de lâche et infâme meurtrier.

» Je ne crois pas que vous me puissiez savoir mauvais gré de ce que je fais ; car je vous prie de remarquer que, tant que vous et lui avez été en mon logis, je me suis abstenu de toute injure et de tout dépit, en quoi je vous ai tenu ma parole de lui être un hôte fidèle ; et je vous prie de remarquer aussi que je me suis mis en mesure de le rencontrer en pleins champs, afin de n’avoir point à violer votre domicile, ne voulant, pour rien au monde, vous mettre en la nécessité de porter secours à ce misérable.

» Enfin, mon cousin, je vous prie de regarder à ceci, qui est le plus grand sacrifice que je vous puisse faire : c’est qu’au lieu de le faire périr sous le bâton de mes gens, comme il le mérite, je descends, moi, gentilhomme et digne de l’être, à me mesurer avec un assassin de la plus vile espèce. Sans l’amitié dont vous l’honorez, je l’eusse fait jeter dans un cul de basse-fosse, mais voulant vous respecter jusque dans l’erreur où vous êtes sur son compte, je déroge à tout privilège d’honneur pour le combattre, lui, l’infâme et dégradé, avec les armes de l’honneur.

» J’ai dit, et vous ne pouvez plus me rien objecter.