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» C’était réduire à moitié l’héritage déjà assez mince de M. Sylvain, lequel, comme huguenot, pouvait perdre son droit d’aînesse ; car le cheti’monsieur n’était pas bien riche, et ses terres avaient été maintes fois ravagées par les calvinistes.

» Mais voyez le bon naturel du jeune homme ! Loin de se fâcher ou seulement se plaindre du mariage de son père et de la naissance de l’enfant qui lui rognait en deux ses futurs écus, il se redressa fièrement en apprenant la nouvelle.

»

— Voyez-vous, dà ! fit-il parlant à ses compagnons. M. mon père a passé la soixantaine, et le voilà qui engendre un beau garçon ! Eh dà ! c’est bonne race, dont j’espère tenir !

» Il poussa plus loin la débonnaireté ; car, sept ans après, son père s’étant absenté du Berry pour aller avec le Balafré contre M. d’Alençon, et notre gentil Sylvain ayant ouï que sa belle-mère était morte, ce qui laissait l’enfant sans grande protection au château de Briantes, revint secrètement au pays pour le défendre au besoin, et aussi, disait-il, pour le plaisir de le voir et de l’embrasser.

» Il passa tout un hiver auprès du marmot, jouant avec lui et le portant sur ses bras, comme eût fait nourrice ou gouvernante ; ce qui fit bien rire les gens d’alentour et penser qu’il était par trop simple et quasi innocent, comme ils disent pour parler d’un homme privé de raison.

» Quand le mauvais père revint après la paix de Monsieur, malcontent, comme vous pensez, de voir les rebelles mieux récompensés que les alliés, il se prit de fureur contre tout le monde, et contre Dieu même, qui avait laissé sa jeune dame mourir de la peste en son absence.