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— Non, répondit d’Alvimar, je suis fort bien ; mais je confesse que ce beau meuble porte quelque chose qui me préoccupe. Vous plaît-il répondre à une question, si vous ne la trouvez point indiscrète ?

— Vous ne pouvez faire question qui le soit, messire. Parlez, de grâce.

— Eh bien, je vous demande, mon cher marquis, comment il se fait que vous ayez là, sous verre, et triomphante sur un coussinet, l’arme de voyage de votre humble serviteur ?

— Oh ! pour cela, vous vous abusez, mon hôte ! Ce couteau ne me vient pas de vous !

— Je sais que je ne vous l’ai point donné ; mais je sais qu’il vous a été donné venant de moi, et c’est un hasard que vous n’ignorez peut-être pas. Je comprends que tout cadeau d’une belle main vous soit précieux ; mais je vous trouve bien dur pour le pauvre monde, d’exhiber ainsi ce trophée de votre victoire aux yeux d’un rival éconduit.

— Ce sont énigmes pour moi que vos paroles !

— Eh ! si ; je n’ai point la berlue ! Me voulez-vous permettre de lever ce verre et de regarder de près ?

— Regardez et touchez, messire ; après quoi, je vous dirai, si vous le souhaitez, pourquoi cette relique d’amour et de tristesse est là parmi tant d’autres souvenirs du temps passé.

D’Alvimar prit le couteau, le regarda attentivement, le mania, et, le reposant tout à coup où il l’avait pris :

— Je me suis trompé, dit-il, et je vous en demande excuse. Ceci n’est point ce que je croyais.

Lucilio, qui l’observait attentivement, avait cru voir un frémissement de terreur ou de surprise relever le coin de sa narine mobile et délicate. Mais cette légère