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Viens, partons bien vite, afin que l’on connaisse que nous ne demandons secours qu’à Dieu et à nous-mêmes.

Mais Mario l’arrêta.

— C’est assez nous méfier, lui dit-il ; mère, il faut faire ce qu’on nous demande. Donne-moi la lettre, donne-moi la bague ! elles sont à moi, je les veux tout de suite !

Lucilio fut frappé de l’énergie de l’enfant, et la Morisque, stupéfaite, garda quelques instants le silence.

Jamais Mario ne lui avait parlé ainsi, jamais elle n’avait senti en lui la moindre velléité d’indépendance, et voilà qu’il lui commandait avec autorité !

Elle eut peur, elle crut à quelque prodige ; toute la force de son caractère tomba devant une idée fataliste ; elle ôta de sa ceinture l’escarcelle de peau d’agneau où elle avait cousu les précieux objets.

— Ce n’est pas tout, mère, lui dit encore Mario : il me faut aussi le couteau.

— Tu n’oseras pas y toucher, enfant ! c’est le couteau qui a tué…

— Je sais, je l’ai déjà regardé. Je veux le regarder encore. Il faut que j’y touche, et j’y toucherai. Donne !

Mercédès remit le couteau et dit en joignant les mains :

— Si c’est l’esprit contraire qui fait agir et parler mon fils, nous sommes perdus, Mario !

Il ne l’écouta pas, et appuyant le petit sac de peau sur la table de Lucilio, il le décousit lestement avec le poignard ; il en tira la bague, qu’il passa dans son pouce, et la lettre de l’abbé Anjorrant à M. de Sully, dont il fit sauter le scel et la soie, à la grande consternation de Mercédès.