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ma lettre de janvier dernier : depuis ces cinq mois passés… »

— Je sais tout cela, Adamas, je le sais par cœur, et, ce nonobstant, quand j’ai été en Italie, l’année 1611, m’enquérir en personne de ce pauvre frère, dont je n’entendais plus parler, il m’a été dit qu’il n’était jamais revenu d’une mission à Rome, pour laquelle il était parti quinze mois auparavant. Et, quand je fus à Rome, il y avait plus de deux ans qu’on ne l’y avait vu. J’ai parcouru toute l’Italie jusqu’en 1612, sans trouver de lui aucun indice et aucun vestige, à ce point que je m’imaginai qu’il avait fait quelque grand voyage aux Indes d’Orient ou d’Occident, pour son propre compte, et que je l’en verrais revenir quelque jour ; mais, à la fin, j’ai dû tenir pour certain qu’il avait été méchamment occis par les brigands dont l’Italie est infestée, ou qu’il avait péri dans quelque tempête sur mer. Il n’avait pas fait grosse fortune au service du Savoyard, bien qu’il ne se soit jamais plaint, et je pense qu’il n’était guère accompagné dans ses courses. Enfin j’ai perdu l’espoir de le retrouver, mais non celui de découvrir son sort et de le venger, s’il a été mis à mort traîtreusement.

Pendant que le marquis et Adamas devisaient ainsi, Mario, dont on ne s’occupait plus, s’était glissé derrière le fauteuil du marquis.

Il écoutait, il regardait avec attention la lettre que Bois-Doré tenait dans ses mains. Il savait très-bien lire, comme nous l’avons dit, et même l’écriture manuscrite ; mais il était en proie à une grande anxiété, craignant de se tromper et d’être encore accusé de parler au hasard.

Enfin, il se crut à peu près sûr de son fait, non-seulement d’après l’écriture, mais encore d’après les expressions