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— Va, tire au sort ; voilà mon gage, dit M. de Beuvre en lui jetant une pièce d’argent. À vous, ma fille.

Lauriane jeta une pièce plus grosse, le marquis un petit écu d’or, Lucilio une monnaie de cuivre, et d’Alvimar un caillou, en disant :

— Comme je vois que les gages seront donnés au devin je trouve que celui-ci ne mérite que d’être lapidé.

— Prenez garde, lui dit Lauriane en souriant, il ne vous prédira que des ennuis ; on sait bien qu’en fait d’horoscope, on n’en a jamais que pour son argent.

— Ne croyez pas cela ; le destin est mon maître, dit La Flèche, qui brouillait les gages dans une espèce de tirelire, et qui tout à coup affecta de parler sans phrase et d’un air fatal.

Il retourna son indescriptible chapeau, qui menaçait le ciel comme un donjon insolent, et le rabattit sur ses yeux comme une lugubre éteignoir, il fit plusieurs grimaces, prononça des paroles dépourvues de sens qui prétendaient être des formules cabalistiques, et, s’étant détourné pour essuyer à la dérobée son fard grossier, il montra sa face blêmie par la prophétique inspiration.

Alors il traça sur le sable la grande asphère des nécromants ignares avec tous les signes de l’astrologie des carrefours ; puis il plaça une pierre au milieu et y jeta la tirelire, qui, en se brisant, répandit les gages sur les différents signes tracés dans les compartiments.

En ce moment, d’Alvimar se pencha pour ramasser son caillou.

— Non, non ! s’écria le bohémien en s’élançant sur sa conjuration avec l’adresse d’un singe, et en posant le bout du pied sur le gage de d’Alvimar, sans effacer aucun des signes qui l’entouraient ; non, messire ! vous