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grand’peur, et c’est la maladie de ceux qui aiment à verser le sang.

— Je vois, dit l’Espagnol soudainement abattu, que j’ai encouru votre disgrâce, et je retrouve ici, comme dans tout, l’effet de ma mauvaise fortune. Elle est si obstinée, qu’en bien des moments j’ai eu la pensée de lui céder le gain d’une bataille où je ne trouve que désavantage et déplaisir.

Il y avait beaucoup de vrai dans ce que d’Alvimar venait de dire, et, comme, après avoir machinalement essuyé son poignard, il semblait hésiter à le remettre dans sa gaîne, Lauriane, frappée de l’expression sinistre de son regard, le crut un peu fou, par suite de quelque grand malheur, et disposé à s’ôter la vie.

— Pour vous pardonner, lui dit-elle, j’exige que vous me remettiez l’arme dont vous venez de faire un si méchant emploi. Je n’aime point cette lame traîtresse, que les gentilshommes de France ne portent plus, si ce n’est à la chasse. L’épée suffit à un chevalier, et, pour la sortir du fourreau devant une dame, il faut le temps de la réflexion. J’aurais toujours peur d’un homme qui cache sur lui une arme trop prompte et trop facile à manier, et, comme je ne vois point que celle-ci soit d’un grand prix, je vous demande de m’en faire le sacrifice, en réparation du déplaisir que vous m’avez causé.

D’Alvimar crut qu’en le désarmant, on le caressait. Néanmoins il lui en coûtait de se séparer d’une arme aussi fidèle, et il hésita.

— Je vois bien, lui dit Lauriane, que c’est le don de quelque belle à laquelle vous n’êtes point libre de désobéir.

— Si vous avez cette pensée, répondit-il, je vous veux l’ôter bien vite.