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pas plus que lui à la religion ; mais, des croyances du vieux temps, il avait gardé celle de la patrie, et l’esprit de la Ligue ne l’eût jamais fait transiger.

Il ne devina pas les préoccupations de son ami, absorbé qu’il était par les siennes propres, et, pendant un quart d’heure, jouant aux propos interrompus, ils parlèrent, sans se comprendre, de l’urgence d’un bon mariage pour Lauriane.

Enfin, la question s’éclaircit.

— Vous ! s’écria de Beuvre stupéfait de surprise, quand le marquis se fut déclaré. Eh ! qui diable pouvait s’attendre à cela ? Je m’imaginais que vous me parliez à mots couverts de votre Espagnol, et voilà qu’il s’agit de vous-même ? Oui-dà ! mon voisin, parlez-vous sensément, et ne vous prenez-vous point pour votre petit-fils ?

Bois-Doré mordit sa moustache ; mais, habitué aux railleries de son ami, il se remit bien vite et s’efforça de lui persuader qu’on se trompait sur son âge, et qu’il n’était pas si vieux que l’était son propre père, lequel, à soixante ans, s’était remarié avec succès.

Pendant qu’il perdait ainsi le temps, d’Alvimar s’efforçait de le mettre à profit.

Il avait su arrêter madame de Beuvre sous le gros if, dont les branches, pendantes jusqu’à terre, formaient comme une salle de sombre verdure où l’on se trouvait isolé au milieu du jardin.

Il débuta assez maladroitement par des compliments exagérés.

Lauriane n’était pas en garde contre le poison de la louange ; elle connaissait peu les belles manières des jeunes gens de condition, et n’eût pas su distinguer le mensonge de la vérité ; mais, heureusement pour elle,