Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/139

Cette page n’a pas encore été corrigée

phète Issa[1] et des beaux préceptes de l’Engil[2], qui ne disent pas de faire ce que le Coran nous défend, je pensai que la plus belle religion devait être celle qu’il pratiquait ; et, comme je n’avais pas reçu le baptême, malgré l’aspersion des prêtres espagnols (m’étant garantie avec mes mains pour qu’aucune goutte de l’eau chrétienne ne tombât sur ma tête), je consentis à être de nouveau baptisée par ce vertueux, et je jurai à Allah de ne plus jamais renier dans mon cœur le culte d’Issa et de Paraclet.

Cette naïve déclaration fit beaucoup de plaisir au marquis, lequel, malgré ses nouvelles notions de philosophie, n’était, pas plus qu’Adamas, partisan de l’idolâtrie païenne attribuée aux Mores d’Espagne.

— Ainsi, dit-il en caressant la tête brune de Mario, nous n’avons point affaire ici à des diables, mais à des êtres de notre espèce. Numes célestes ! j’en suis aise, car cette pauvre femme m’intéresse et cet orphelin me touche le cœur. Ainsi donc, mon bel ami Mario, tu as été élevé par un bon et savant curé des Pyrénées ! et tu es toi-même un petit savant ! Je ne pourrai pas te parler arabe ; mais, si ta mère veut te donner à moi, je jure de te faire élever en gentilhomme.

Mario ne savait point ce que c’était que la gentilhommerie.

Certes, il était prodigieusement instruit pour son âge, pour le temps et le milieu où il avait été élevé ; mais, à tous autres égards que la religion, la morale et les langues, c’était un vrai petit sauvage, ne se faisant aucune idée de la société où le marquis l’invitait à entrer.

  1. Jésus.
  2. L’Évangile.