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avez droit à ne point rencontrer chez moi de discussion contre vos idées, qu’elles soient ou non les miennes. Si la vue de ces malheureux vous importune, comme je ne veux pas qu’il soit dit que vous avez été contrarié dans ma maison en chose que ce soit, on s’arrangera pour qu’ils ne blessent point vos regards ; mais vous ne sauriez exiger que je chasse brutalement un enfant et une femme.

— Non, certes, monsieur, dit d’Alvimar reprenant possession de lui-même ; ce serait méconnaître vos bontés, et je vous demande pardon de mon emportement. Vous savez l’horreur de ma nation pour ces infidèles, et je sais, moi, que j’aurais dû la contenir ici.

— Que voulez-vous dire ? demanda Bois-Doré un peu impatienté ; nous prenez-vous pour des musulmans ?

— À Dieu ne plaise, monsieur le marquis ! je voulais parler de la tolérance française en général, et, comme c’est une loi de civilité que de se conformer aux usages de la nation où l’on reçoit l’hospitalité, je vous promets de m’observer et de voir chez vous sans répugnance quiconque il vous plaira d’accueillir.

— À la bonne heure ! répondit le bon marquis en lui tendant la main. Vous plaît-il que, dans un instant, quand j’aurai fini ici, je vous mène tuer un lièvre ou deux ?

— C’est trop de bonté, dit d’Alvimar en sortant ; mais ne vous dérangez pas pour moi : avec votre permission, et en attendant l’heure du dîner, j’irai écrire quelques lettres.

Le marquis, s’étant levé pour le saluer, se rassit avec sa grâce nonchalante, et, s’adressant à Lucilio :

— Notre hôte est un cavalier bien élevé, lui dit-il ; mais il est vif, et, tout bien considéré, il a un grand malheur en la tête, qui est d’être trop Espagnol. Ces gens