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sa prière après la scène du fossé, il avait repassé dans la mémoire, rapidement, mais avec certitude, toutes les circonstances de sa vie. Rien ne s’y était formulé qui pût avoir rapport, même indirectement, avec une femme et un enfant dans la situation où ceux-ci se trouvaient.

L’émotion qu’il avait ressentie était donc une pure hallucination ; il s’était repenti de ne l’avoir pas surmontée tout de suite ; il avait repris possession de sa raison.

Pendant le dîner, le marquis ne lui avait point parlé du récit d’Adamas sur le mystérieux voyage de Mercédès. Lui-même ne l’avait écouté, la veille au soir, que d’une oreille, en s’endormant. D’Alvimar, depuis quelques minutes, regardait donc avec une tranquillité méprisante ces deux mendiants, et il avait cru trouver enfin la cause vulgaire de sa répugnance pour eux.

Il prit la parole.

— Monsieur le marquis, dit-il, si vous me permettez de me retirer, je crois qu’avec quelque argent vous ferez parler ce drôle tant que vous voudrez. Il est possible que ce soit un chrétien volé par cette Morisque, car je n’ai aucun doute sur la race de celle-ci. Pourtant, vous vous tromperiez beaucoup si vous pensiez que la couleur de la peau soit un signe certain. Il y a de ces misérables enfants qui sont aussi blancs que nous, et, si vous voulez être sûr de quelque chose, vous ferez bien de soulever les cheveux qui couvrent le front de celui-ci ; vous y trouverez peut-être la marque du fer rouge.

— Quoi ! dit le marquis en souriant, ont-ils tellement peur de l’eau du baptême qu’ils l’effacent par le feu ?

Cette marque est celle de l’esclavage, reprit d’Alvimar. La loi espagnole la leur inflige. On les marque au front d’une S et d’une tête de clou, ce qui se traduit ainsi de la langue figurée en espagnol : Esclave.