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nos provinces qui regardât comme une injure la qualification de gentilhomme faux saulnier.

L’opulence dont M. de Bois-Doré faisait, du reste, bon usage par sa libéralité et sa charité inépuisables, n’était donc pas un mystère dans le petit pays de la Châtre ; mais il évitait sagement d’attirer sur lui, par une vaste demeure et par un état de maison trop splendide, l’attention du gouvernement de la province.

Il savait bien que les tyranneaux qui se partageaient les deniers de la France n’eussent pas manqué de prétextes, soi-disant légaux, pour lui faire rendre gorge.

D’Alvimar parcourut les jardins, création comique de son hôte, et dont il était certainement plus vain que de ses plus beaux faits d’armes.

Il avait, sur une médiocre étendue de terrain, prétendu réaliser les jardins d’Isaure, tels qu’ils sont décrits dans l’Astrée : « Ce lieu enchanté fut (soit) en fontaines et en parterres, fut en allées et en ombrages. » Le grand bois qui faisait un si gracieux dédale était représenté par un bosquet en labyrinthe où n’étaient oubliés ni le carré de coudriers, ni la fontaine de la vérité d’amour, ni la caverne de Dumon et de Fortune, ni l’antre de la vieille Mandrague.

Toutes ces choses parurent fort puériles à M. d’Alvimar, mais non pas cependant aussi absurdes qu’elles nous le sembleraient aujourd’hui.

La monomanie de M. de Bois-Doré était assez répandue de son temps pour n’être pas une excentricité. Henri IV et sa cour avaient dévoré l’Astrée, et, dans les petites cours d’Allemagne, les princes et princesses prenaient encore ces noms redondants que le marquis imposait à ses gens et à ses bêtes. La vogue passionnée du roman de M. d’Urfé a duré deux siècles ; il a encore ému