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Le marquis, débarbouillé de toutes ses peintures, était un beau vieillard, et le calme de sa bonne conscience répandait quelque chose de respectable sur sa face endormie. Tandis que sa perruque reposait sur la table et que ses habits, rembourrés pour masquer les creux que l’âge avait faits à ses épaules et à ses jambes, gisaient épars sur les fauteuils, son gros corps, aminci de moitié, dessinait ses contours anguleux sous un lodier ou couvre-pied de satin blanc, rehaussé d’armoiries en cannetille d’argent aux quatre coins.

Le dossier du lit, montant en panneau droit de dix pieds de haut, ainsi que le ciel à lambrequins joint en forme de dais à ce grand panneau, étaient aussi en satin blanc, piqué à l’aiguille sur l’ouate épaisse, et rehaussé de larges dessins d’argent en relief : l’intérieur des rideaux était pareil ; la face extérieure était en damas rose.

Dans ce lit luxueux et si moelleux, cette vieille figure accentuée, et toujours martiale dans sa douceur, avec sa moustache hérissée de papillotes et son bonnet de taffetas ouaté, en forme de demi-mortier, garni d’une riche dentelle relevée en l’air comme une couronne, offrait, à la lueur d’une lampe bleuâtre, le plus singulier mélange de burlesque et d’austérité.

— Monsieur dort bien, se dit Adamas ; mais il a oublié de faire sa prière, et c’est ma faute ; je vais la faire pour lui.

Il se mit à genoux et pria très-dévotieusement ; après quoi, il se retira dans sa chambre, qui n’était séparée que par une cloison de celle de son maître.

L’arsenal qu’Adamas avait disposé autour du lit du marquis n’était qu’une affaire d’habitude ou de luxe.

Tout était parfaitement tranquille autour du petit manoir ; dans le manoir, tout dormait profondément.