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et surtout aux ambitieux qui vont rôder la nuit autour de ces monuments où règne l’éternel mystère de la tradition. Ils sautent sur le cou du cheval, font tomber le cavalier et le rouent de coups. Pourtant on peut s’en préserver de plusieurs manières, quand on a été assez hardi pour étudier, à tout risque, leurs habitudes et leurs fantaisies. En général, ils ne sont pas intelligents et parlent avec difficulté la langue de l’homme. Comme ceux de la Normandie et comme les Korigans de la Bretagne, ils ont la manie ou plutôt l’infirmité de répéter deux fois le même mot, sans pouvoir arriver jusqu’à trois, ou s’ils dépassent ce nombre en le doublant, ils ne peuvent pas le dire une septième fois.

Un chercheur de trésors, qui voyait le nain sauter devant lui en l’entraînant dans une ronde magnétique et en lui disant sans cesse d’une petite voix aigre : Tourne, tourne, l’arrêta court en lui répondant : Je tourne, je retourne et je détourne. Le lutin ne comprit pas, et, pensant que c’était là une formule au-dessus de son savoir, il lâcha l’homme, sauta sur la pierre et la fit danser si fort et tourner si vite qu’il en sortait du feu. L’homme n’osa pas en approcher, mais il put se retirer sans être suivi. Seulement, le nain lui avait imprimé un tel mouvement de rotation, en le faisant valser avec lui autour de la pierre endiablée, qu’il rentra chez lui toujours tournant sur lui-même comme une toupie lancée, et alla tomber de fatigue à la porte de sa maison.

GEORGE SAND

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