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PROCOPE LE GRAND.

annoncer l’incertitude et la désertion. En peu de jours les Impériaux furent persuadés qu’ils pouvaient hasarder leurs forces a découvert, et qu’ils n’avaient à combattre que de paysans et des ouvriers mal armés et mal dirigés. Sur ces fausses nouvelles, l’armée hâta sa marche, chantant le triomphe avant la victoire. Après avoir traversé la forêt de Bohême, les Allemands allèrent assiéger Taschau sur la Mise. On les laissa s’y agglomérer et s’y installer ; puis, tout à coup, Procope fondit sur eux avec ses Taborites et les Orphelins. Ce fut le signal de la déroute la plus complète. Les Allemands épouvantés se répandirent au hasard dans le pays, ravageant tout sur leur passage, et se vengeant de leur honte par mille cruautés. Enfin, s’étant ralliés vers Taus (Tusta), dans le district de Pilsen, ils allèrent camper à Riesenherg, château situé sur une haute montagne. Procope se dirigeait sur eux à grandes journées ; mais dès qu’ils en eurent avis et dès qu’ils apprirent le bon accord qui régnait parmi les Bohémiens pour les expulser, ils furent saisis d’une terreur panique et s’enfuirent vers la forêt, sans qu’il fût possible à leurs chefs de les rallier. C’est en vain que le cardinal leur adressa une harangue en beau style ; c’est en vain qu’il s’écria : « Ô Allemagne ! ô Allemagne ! que diraient les Arioviste, les Tuiscon et les Arminius, s’ils voyaient fuir ainsi leurs descendants au seul nom de l’ennemi ? Ô honte ! ô infamie ! nous fuyons la Bohême, mais la Bohême nous poursuivra et nous exterminera dans les lieux de nos retraites. Où seront les murailles qui pourront nous mettre à couvert ? Non, non, ce se sont pas les murailles qui défendent les hommes, c’est la bravoure et l’honneur ![1] » La voix éloquente du prélat se perdit dans

  1. C’est le rhéteur Æneas Sylvius (Hist. Bohem., c. 48) qui prête ce