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PROCOPE LE GRAND.

qu’on ne pouvait, avec vérité, leur reprocher de croire à autre chose qu’à la parole de Dieu, et aux symboles de Nicée, de Constantinople, d’Éphèse, et de Chalcédoine ; qu’ils étaient résolus de défendre cette foi, au péril de leurs biens et de leurs vies ; qu’il n’y avait rien de plus contraire à l’esprit du Christianisme que de vouloir les exterminer au gré du pape et de l’Empereur. Enfin, que si on les attaquait encore, appuyés qu’ils se croyaient du secours de Dieu, ils repousseraient la force par la force, et que tout le monde, femmes et enfants, ils feraient une résistance qui serait admirable à tout l’univers. »

Les Bohémiens tinrent leur promesse, et cette résistance qu’ils annonçaient fut admirable en effet. Mais ils devaient être vaincus un jour par la ruse des souverains, par leur propre lassitude, et surtout par leurs divisions de croyances et d’intérêts.

On n’a pas oublié que plusieurs sectes s’agitaient dans le sein du Hussitisme. Les armées de Ziska n’étaient pas, comme celles de tous les souverains de cette époque, des troupes d’aventuriers mercenaires ayant pour unique but le pillage, et ne connaissant en campagne ni amis ni ennemis. Ces armées étaient de véritables sectes religieuses, qui considéraient la violence et la cruauté comme des devoirs sacrés, et le pillage comme l’unique moyen de pourvoir aux frais de la guerre nationale. S’il y avait du fanatisme et de la férocité dans cette doctrine militaire, il y avait du moins un sentiment élevé de la mission du guerrier chrétien. Dans ces époques de lutte ardente, les hommes ne peuvent être grands que par la révolte et par la guerre. Jeanne d’Arc elle-même, cette figure angélique qui eût pu se placer à côté de celle de Marie dans la divine épopée de Jésus, apparaît au moyen âge sous la cuirasse et sous le casque, comme l’archange Michel, et